L’Institut d’études religieuses tient à souligner le décès de Gustavo Gutiérrez, initiateur de la théologie de la libération il y a plus de 50 ans.
D’origine autochtone (il est issu du peuple quechua), Gustavo Gutiérrez naît en 1928 à Lima, la capitale du Pérou, ville où il mourra après une vie de fidélité à son peuple péruvien. Cette fidélité s’exprimera dans son ministère de prêtre en milieu populaire, au cœur d’une Amérique latine alors marquée par de profondes inégalités, par une exploitation du pays au nom de l’idéologie du développement ainsi que par une rivalité entre le bloc de l’Ouest capitaliste et le bloc de l’Est communiste.
En 1967, en marge de l’Exposition universelle de Montréal qui porte le titre très évocateur de Terre des Hommes, Gustavo Gutierrez effectue un séjour à la Faculté de théologie de l’Université de Montréal comme professeur invité. C’est durant ce séjour qu’il élabore l’idée d’une théologie qui penserait le péché et le salut dans les termes d’une oppression et d’une libération. Une telle théologie, avance-t-il, pourrait se présenter comme une « théologie de la libération ». En privilégiant une approche inductive qui part « d’en bas », des réalités vécues par les pauvres et les exclus, et qui puise dans l’Écriture des avenues de libération. Et ce, par, pour et avec les premiers concernés. Une théologie novatrice qui répond aux interrogations et engagements d’un grand nombre de catholiques, dans un Québec qui à l’heure de la Révolution tranquille, des espoirs du concile Vatican II et des luttes sociales transformatrices.
À son retour dans son pays, il écrit un livre, Teología de la liberación: Perspectivas (1971). Cet ouvrage signe la naissance d’un courant de pensée particulièrement marquant pour la pensée chrétienne contemporaine, en Amérique latine puis à travers le monde, et cela jusqu’à nos jours.
À ce titre, en 1993 l’Université de Montréal lui décernait un doctorat honorifique, en guise de reconnaissance pour son œuvre théologique majeure. Dans un contexte, aussi, de renouveau du christianisme social au Québec, dans la foulée du centenaire de l’encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII sur la dignité des travailleurs. Dans la foulée de ce doctorat honorifique, Gustavo Gutiérrez avait accordé des entrevues remarquées au Devoir, de même qu’à la revue Vie ouvrière.
La théologie de la libération n’a cessé de se transformer depuis 5 décennies. Aujourd’hui, le Forum mondial théologie et libération – l’un des fruits de ce courant – a son secrétariat à l’Institut d’études religieuses. Au cœur de ce réseau, on peut prendre la mesure de ce que l’intuition de Gutierrez a pu produire, des Amériques à l’Afrique, de l’Inde aux mondes autochtones, du Proche Orient au Canada.
Hommage et gratitude à Gustavo Gutiérrez !
Jean-François Roussel
Professeur titulaire
Directeur – Institut d’études religieuses
Université de Montréal – Institut d’études religieuses – Faculté des arts et des sciences
Pavillon Marguerite-d'Youville, bureau 4004
Montréal (Québec) H3C 3J7T.: 514-343-7160
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