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Hommage au professeur Robert David

À la demande de quelques personnes présentes à la dernier Soirée reconnaissance, nous reproduisons plus bas le texte préparé par Alain Gignac, adjoint au doyen, pour rendre hommage au professeur Robert David, retraité depuis quelques mois déjà. Rappelons que ce professeur d’hébreu biblique et d’exégèse de l’Ancien Testament a été professeur à la Faculté de 1988 à 2015.

Ce soir,  contrairement à mon habitude pour ce genre d’hommage, je délaisse la rime que j’abandonne à nos politiciens un peu Tartuffe. Je puise plutôt mon inspiration dans un poème de Walt Whitman qui rendait hommage à un grand homme et dont le film culte La société des poètes disparus a réactivé la poésie. Car tu fus toujours un modèle pédagogique ; capitaine au long cours, tu nous a mené à bon port, nous faussant compagnie trop tôt – ta sagesse nous aurait été bien utile ces deux dernières années.

Donc pour toi quelques vers libres, libres comme la liberté académique qui nous est si chère, libres comme l’homme que tu fus parmi nous et que tu demeures encore.

Ô capitaine, mon capitaine [1]
Droit au cœur de la tempête
Et devant le lever du soleil
– Comme un chêne planté au cœur de la mer
Juste envers chaque matelot qui navigue avec toi
Et envers chaque moussaillon que tu formes avec patience
– Comme une parole qui tombe à point
Vrai jusqu’au fond de ton cœur
Devant l’Éternel et devant les humains
– Comme le ciel qui annonce le lendemain
Fidèle à toi-même
Et à tes alliances
– Comme une promesse qui fonde la confiance.

Ô capitaine mon capitaine,
Avec toi je naviguai sur le Golfe de Guinée
Et sur la Mer Égée
Sur les pas de Stanley et de Livingstone
Sur les pas de Paul de Tarse et des Cappadociens.
Que de découvertes, que de discussions
Que de paysages, que de rencontres !

Pas toujours facile à saisir
Parfois il faut te lire à l’envers
Comme en hébreu
Intense comme un piel
Réfléchi comme un hitpael
Réceptif comme un niphal
Meneur comme un hiphil.
À toi seul tu es
Un cohortatif
Plus puissant qu’une légion… babylonienne
Ô capitaine mon capitaine !

Parfois on eut cru
Que tu commandais le USS Enterprise
Tenant le journal de bord
D’une faculté sur ses derniers parsecs
Sur ton vaisseau futuriste rempli d’ordinateurs
– Dont tu tins longtemps l’inventaire
Tu as permis d’accéder en ligne à de vastes espaces
Sur les traces du passé
Car une humanité qui oublie le passé
N’a pas d’avenir – comme dirait l’autre.

Ô capitaine mon capitaine,
Truchement de la culture
Obsession de traduction
Mémoire et actualisation
Interprétation des vieilles inscriptions
– Que l’on trouve sur les îles désertes
Et des vieux manuscrits
– Trésors abandonnés dans quelque obscure grotte
Et donc un peu grotesques à nos yeux
De Béotiens ébahis.

Ô capitaine mon capitaine
Guerrier redoutable
Et un peu pirate
Tu cherches ton sillage une Bible à la main
Nouveau Josué et nouveau Samson
Il n’y a rien que toi pour avoir tant aimé
Ces récits de conquêtes et d’escarmouches
Qu’on nous dit pourtant capables
D’ouvrir à Dieu.

Dieu
Faites-lui un procès, mettez-le en procès !
Mot bidon, mot crypté
Signifiant insignifiant à force de trop signifier
Dieu
Ce mot de quatre lettres
Tu l’auras scruté et déconstruit
En un incessant devenir
Pour déliter nos idoles
Et délier nos paralysies
Dieu qui ne finit pas de nous surprendre
– Et, en ce sens, infini
Jamais défini car toujours en mouvement
Qui ne cesse d’advenir et d’insister
Tel un danseur-étoile qui adapte son rythme
Au rythme de nos réponses.
Dieu n’est pas tant une existence
– Qu’une insistance.

Ô capitaine mon capitaine,
Ne nous jette pas par dessus bord
Même si nous jouons à Jonas
Et que nous nous défilons
À remplir notre mission
Ruminant nos rancunes.
Qu’au contraire tout cela soit le signe
Que la mer n’engloutit pas l’espoir
Que la mort ne saurait taire la vie.

[1] Merci à Walt Whitman et à Robin Williams pour l’idée du refrain.